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Transformer l'Afrique

Photo: UNDP Zambia

Cet article a été initialement publié dans Modern Diplomacy en anglais.

La Semaine africaine du climat de cette année réunit les gouvernements et les principales parties prenantes de tout le continent pour « explorer la résilience face aux risques climatiques, la transition vers une économie à faibles émissions, et les partenariats dont nous avons besoin pour résoudre ces défis urgents ».

Devant des enjeux d'une telle importance, il est clair que nous devons faire des investissements substantiels et entreprendre des efforts coordonnés pour mettre en place des actions climatiques transformatrices à travers l'Afrique.

Cela signifie que nous devons faire avancer des solutions holistiques intégrées qui relient l'utilisation des terres, la gestion de l'eau, l'agriculture et les moyens d’existence, ainsi que l'énergie, les ressources naturelles, la croissance économique et le développement social, sans oublier la réduction des risques de catastrophe, les services d'information sur le climat, et la résilience. C'est ce que nous appelons «une action climatique transformatrice».

Une crise potentiellement mortelle

Nous sommes dans une course contre la montre. Et aucun continent n'est plus vulnérable aux menaces croissantes du changement climatique, de la pauvreté, des conflits, des déplacements et de la faim que l'Afrique.

Le dernier rapport du GIEC indique que les économies, les vies, la sécurité alimentaire et les moyens d’ existence subissent de graves perturbations sur l'ensemble du continent. «L'Afrique est l’un des plus faible contributeur aux émissions de gaz à effet de serre, et pourtant, ses principaux secteurs de développement ont déjà enregistré des pertes et des dommages considérables qui sont attribuables au changement climatique anthropique, notamment une perte de biodiversité, des pénuries d'eau, une diminution de la production alimentaire, des pertes en vies humaines, et une diminution de la croissance économique.»

Le rapport établit que les hausses de température comprises entre 1,5 °C et 2 °C devraient se généraliser, ce qui entraînera une réduction de la production alimentaire et de la croissance économique, une augmentation des inégalités et de la pauvreté, une perte de biodiversité et, ce qui est le plus préoccupant, une augmentation de la morbidité et de la mortalité humaines.

Alors que la guerre en Ukraine, les différents conflits en cours et la pandémie de COVID-19 ont exacerbé ces problèmes, le changement climatique pousse actuellement des millions de personnes supplémentaires au bord de la famine en Éthiopie, au Kenya, en Somalie, au Sahel, et au-delà.

Il ne s'agit pas seulement d'un problème régional. Il ne s'agit pas seulement d'un problème africain. ll s'agit d'un problème mondial.

Mais les plus pauvres et les plus vulnérables seront ceux qui perdront leurs enfants à cause de la faim. Ce sont eux qui verront mourir les récoltes alors que les sécheresses prolongées affligent le continent. Ce sont eux qui se trouvent en première ligne. Nous devons donc renforcer l'action locale, l'action nationale et l'action mondiale pour faire face aux conséquences incontestablement dévastatrices du changement climatique.

Une voie vers l'avenir

La voie vers l'avenir commence par les personnes, mais nécessite également des ressources, une volonté politique, des politiques, et une coordination pour mener à bien le type d'action transformatrice dont nous avons besoin.

Le PNUD est en train d'accélérer la planification et les investissements en matière d'adaptation en Afrique grâce à un certain nombre de solutions intersectorielles dans les domaines clés des politiques et de la planification en matière d'adaptation, des moyens d’existence résilients, de la sécurité alimentaire, de l'adaptation basée sur les écosystèmes, des ressources en eau et de la gestion côtière, ainsi que de l’information climatique et des alertes précoces.

En Zambie, par exemple, un projet financé par le Fonds vert pour le climat et mis en œuvre en partenariat avec le gouvernement par le PNUD, la FAO et le PAM met en place des mesures de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté résilientes au changement climatique au bénéfice de près d'un million de personnes. Le projet a introduit l'utilisation de technologies modernes, de techniques de culture durables et une meilleure compréhension du changement climatique, et il a déjà touché près de 200 000 petits exploitants agricoles.

En Ouganda, nous nous efforçons de protéger les écosystèmes vulnérables des zones humides et de construire des communautés résilientes en soutenant les pratiques de gestion durable des terres et la reforestation, les pratiques résilientes et les moyens d’existence alternatifs pour quatre millions de personnes qui dépendent des zones humides pour leurs moyens d’existence.

Intégrer l'adaptation au développement

Les politiques, la planification et les décisions d'investissement fondées sur les risques climatiques qui maximisent les avantages du développement pour les communautés sont essentielles pour mener à bien une action transformatrice en matière d'adaptation. Une « approche sociétale globale » appelle à l'intégration de l'adaptation à tous les niveaux de la société, depuis des politiques et une budgétisation nationales et infranationales éclairées à des finances et une prise de décision décentralisées, en passant par des parties prenantes locales impliquées dans l'action d'adaptation.

Le soutien du PNUD à la planification de l'adaptation dans plus de 50 pays renforce leur capacité d'évaluer les risques et les vulnérabilités, de mesurer les progrès de l'adaptation, ainsi que d'identifier les priorités et les travaux d'adaptation en tandem avec les institutions nationales, sectorielles et locales pour établir des plans et des budgets tenant compte des risques.

En développant des actions unifiées, une initiative conjointe dirigée par la FAO et le PNUD et financée par le Ministère fédéral allemand des affaires économiques et de l'action pour le climat ( BMWK), par le biais de l'Initiative internationale pour le climat (International Climate Initiative, IKI), renforce l'ambition climatique par rapport à l'utilisation des terres et l'agriculture grâce à des Contributions Déterminées au niveau National et des Plans Nationaux d'Adaptation dans douze pays du monde, dont cinq en Afrique.

En Ouganda, le programme SCALA s'emploie à élaborer les plans agricoles, forestiers et d'utilisation des terres nécessaires pour améliorer la production dans les fermes, réduire les émissions, ainsi que relier les plans et politiques climatiques aux actions climatiques telles que l'initiative pour les zones humides.

A travers sa Contribution Déterminée au niveau National dans le cadre de l'Accord de Paris, la Côte d'Ivoire s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30,41 % d'ici 2030 par rapport à la normale, ou de 98,95 % avec un soutien international. Le pays s'est également engagé à accroître la résilience dans les domaines de l'agriculture, l'alimentation et l'utilisation des terres, l'eau, la santé, et les zones côtières. 

La Climate Promise du PNUD ainsi que différents soutiens aux Plans Nationaux d'Adaptation aident le pays à atteindre ces objectifs.

La Côte d'Ivoire étant le plus grand exportateur mondial de fèves de cacao, le programme SCALA crée actuellement une culture de cacao plus résiliente avec pour objectif final de réduire les émissions de la production de cacao, qui a été une cause majeure de déforestation au cours de la dernière décennie. Alors que le pays s'oriente vers des pratiques paysagères agroforestières plus durables, une plus grande couverture forestière aidera à absorber plus d'émissions de carbone

Solutions et partenariats axés sur l'Afrique

Des initiatives d'adaptation dirigées au niveau local et liées à des partenariats à vocation mondiale sont essentielles. Lors de la 21e Conférence des Parties (COP) en décembre 2015, les chefs d'État africains ont lancé l'Initiative d'adaptation en Afrique (IAA) pour garantir que le continent s'adapte de toute urgence aux effets néfastes du changement climatique à court, moyen et long termes. Grâce au financement de l'Union européenne et au soutien du PNUD, le programme renforce la capacité d'utiliser les informations sur les risques climatiques, ainsi que d'évaluer et de mettre en œuvre des mécanismes de transfert des risques.

Lancé lors du Sommet sur l'adaptation aux changements climatiques en janvier 2021, l'Adaptation Innovation Marketplace (AIM) est une autre plate-forme mondiale stratégique qui promeut l'adaptation à grande échelle au niveau local, en se concentrant sur la société civile, les organisations non gouvernementales, ainsi que les femmes et les jeunes innovateurs. Le marché regorge de ressources, de savoir-faire et de soutiens pour faciliter l'accès local au financement de la lutte contre le changement climatique.

Les partenaires de l'AIM comprennent le PNUD, l'International Centre for Climate Change and Development, le Consortium des universités des pays les moins avancés sur le changement climatique, le Partenariat mondial pour la résilience, la Communauté de l'innovation en matière de connaissances climatiques, et le Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU).

Plusieurs fenêtres de financement dans le cadre de l'AIM existent actuellement. Une fenêtre de financement soutenue par le Fonds d'adaptation et l'UE (Accélérateur d'innovation climatique du Fonds d'adaptation) a récemment conclu le premier appel d'offres, et sept partenaires locaux d'Afrique ont été sélectionnés pour le premier cycle de financement.

Au Ghana, le partenaire local Open Ghana vise à créer des moyens de subsistance alternatifs pour les femmes, les jeunes et les personnes handicapées en créant des jardins pour la saison sèche dans de nombreuses régions. Les membres de la communauté locale seront formés à l'adaptation au changement climatique, et plusieurs associations villageoises d'épargne et de crédit seront formées pour développer des modules commerciaux durables utilisant la production agricole de la deuxième saison.

En Ouganda, notre partenaire local Sample Uganda Aquaculture Association introduit actuellement la technologie aquaponique par le biais d'un modèle innovant de location-vente visant à promouvoir l'aquaponie et la production liée à l'horticulture, y compris la culture en pépinière.

Ces solutions d'adaptation menées localement avec des modèles commerciaux durables seront indispensables pour transformer les pratiques d'adaptation en Afrique.

Investir aujourd'hui pour un avenir meilleur demain

Les investissements dans l'adaptation offrent un retour sur investissement important. C'est une bonne chose pour les affaires, c'est une bonne chose pour notre planète, c'est une bonne chose pour notre peuple.

La Commission mondiale sur l'adaptation a constaté qu'investir 1 800 milliards de dollars dans le monde dans cinq domaines ‒ systèmes d'alerte précoce, infrastructures résilientes au changement climatique, amélioration de l'agriculture des terres arides, protection des mangroves, et ressources en eau résilientes ‒ de 2020 à 2030 pourrait générer 7 100 milliards de dollars de bénéfices nets totaux.

Une fenêtre d'opportunité qui se rétrécit rapidement existe pour permettre un développement résilient au changement climatique et atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et les cibles de Paris. Les dirigeants mondiaux doivent intensifier leurs efforts pour appuyer l'appel du Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, à affecter 50 % de tous les financements climatiques à l'adaptation et à respecter les engagements de la COP26 à Glasgow, qui appelaient à doubler le financement de l'adaptation de 20 milliards de dollars à 40 milliards de dollars par an, l'Afrique ayant besoin de la plus grande partie de ce montant.

La transformation est possible, et l'espoir est bien présent grâce à des initiatives telles que la Grande Muraille verte, des stratégies à faible émission et à forte croissance au Nigéria, et des initiatives de base menées par des agricultrices au Ghana, qui renforcent l'égalité aujourd'hui pour contribuer à un avenir durable.

Tout au long de la mise en œuvre de ces projets, les dirigeants africains doivent s'engager dans des actions climatiques transformatrices et des approches coordonnées pour protéger les communautés les plus vulnérables contre les risques et les impacts émergents et croissants du changement climatique.

Srilata Kammila

Chef de l'adaptation au changement climatique, PNUD

Rohini Kohli

Conseillère technique principal sur la politique et la planification de l'adaptation au changement climatique